Paroles de chansons de Georges Brassens
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Paroles de chansons de Georges Brassens
Les Passantes
(Poõme de Antoine Pol)
Je veux dèdier ce poõme
A toutes les femmes qu'on aime
Pendant quelques instants secrets
A celles qu'on connait þ peine
Qu'un destin diffèrent entraíne
Et qu'on ne retrouve jamais
A celle qu'on voit apparaítre
Une seconde þ sa fenétre
Et qui, preste, s'èvanouit
Mais dont la svelte silhouette
Est si gracieuse et fluette
Qu'on en demeure èpanoui
A la compagne de voyage
Dont les yeux, charmant paysage
Font paraítre court le chemin
Qu'on est seul, peut-étre, þ comprendre
Et qu'on laisse pourtant descendre
Sans avoir effleurè sa main
A celles qui sont dèjþ prises
Et qui, vivant des heures grises
Prõs d'un étre trop diffèrent
Vous ont, inutile folie,
Laissè voir la mèlancolie
D'un avenir dèsespèrant
Chõres /~mbensaie/images aperãues
Espèrances d'un jour dèãues
Vous serez dans l'oubli demain
Pour peu que le bonheur survienne
Il est rare qu'on se souvienne
Des èpisodes du chemin
Mais si l'on a manquè sa vie
on songe avec un peu d'envie
A tous ces bonheurs entrevus
Aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Aux coeurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus
Alors, aux soirs de lassitude
Tout en peuplant sa solitude
Des fantòmes du souvenir
On pleure les lévres absentes
De toutes ces belles passantes
Am G F G A
Que l'on n'a pas su retenir
L'Auvergnat
Elle est aù toi cette chanson
Toi l'auvergnat qui sans facons
M'as donne quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m'as donne du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnes
M'avaient ferme la porte au nez
Ce n'etait rien qu'un peu de bois
Mais il m'avait chauffe le corps
Et dans mon ame il brule encore
A la maniere d'un feu de joie
Toi l'auvergnat quand tu mourras
Quand le croquemort t'emporteras
Qu'il te conduise aù travers ciel
Au pere eternel
Elle est aù toi cette chanson
Toi l'hotesse qui sans facons
M'as donne quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m'ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous ces gens bien intentionnes
S'amusaient aù me voir jeuner
Ce n'etait rien qu'un peu de pain
Mais il m'avait chauffe le corps
Et dans mon ame il brule encore
A la maniere d'un grand festin
Toi l'hotesse quand tu mourras
Quand le croquemort t'emporteras
Qu'il te conduise aù travers ciel
Au pere eternel
Elle est aù toi cette chanson
Toi l'etranger qui sans facons
D'un air malheureux m'as souri
Lorsque les gendarmes m'ont pris
Toi qui n'as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous ces gens bien intentionnes
Riaient de me voir emmener
Ce n'etait rien qu'un peu de miel
Mais il m'avait chauffe le coeur
Et dans mon ame il brule encore
A la maniere d'un grand soleil
Toi l'etranger quand tu mourras
Quand le croquemort t'emporteras
Qu'il te conduise aù travers ciel
Au père éternel
Stances aù un cambrioleur
Prince des monte-en-l'air et de la cambriole,
Toi qui eus le bon gout de choisir ma maison
Cependant que je colportais mes godrioles
En ton honneur j'ai compose cette chanson
Sache que j'apprecie aù sa valeur le geste
Qui te fit bien fermer la porte en repartant
De peur que des rodeurs n'emportassent le reste
Des voleurs comme il faut c'est rare de ce temps,
Tu ne m'as derobe que le stricte necessaire,
Delaissant dedaigneux l'execrable portrait
Que l'on m'avait offert aù mon anniversaire
Quel bon critique d'art mon salaud tu ferais!
Autre signe indiquant toute absence de tare,
Respectueux du brave travailleur tu n'as
Pas cru decent de me priver de ma guitare,
Solidarite sainte de l'artisanat.
Pour toutes ces raisons vois-tu, je te pardonne
Sans arriere pensee apres mur examen
Ce que tu m'as vole, mon vieux, je te le donne,
Ca pouvait pas tomber en de meilleures mains.
D'ailleurs mi qui te parle, avec mes chansonnettes,
Si je n'avais pas du rencontrer le succes,
J'aurais tout comme toi, pu virer malhonete,
Je serais devenu ton complice, qui sait?
En vendant ton butin, prends garde au marchandage,
Ne vas pas tout lacher en solde au receleurs,
Tiens leur la dragee haute en evoquant l'adage
Qui dit que ces gens-laù sont pis que les voleurs.
Fort de ce que je n'ai pas sonne les gendarmes,
Ne te crois pas du tout tenu de revenir,
Ta moindre recidive abolirait le charme,
Laisse moi je t'en pri', sur un bon souvenir.
Monte-en-l'ai mon ami,que mon bien te profite,
Que Mercure te preserve de la prison,
Et pas trop de remors, d'ailleurs nous sommes quittes,
Apres tout ne te dois-je pas une chanson?
Post-Scriptum,Si le vol est l'art que tu preferes,
Ta seule vocation,ton unique talent,
Prends donc pigon sur ru',mets-toi dans les affaires,
Et tu auras les flics meme comme chalands.
Mourir pour des idées
Mourir pour des idées, l'idée est excellente .
Moi j'ai failli mourir de ne l'avoir pas eu .
car tous ceux qui l'avaient, multitude accablante,
En hurlant à la mort me sont tombés dessus .
Ils ont su me convaicre et ma muse insolente,
Abjurant ses erreurs, se rallie à leur foi
Avec un soupçon de réserve toutefois :
Mourrons pour des idées d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
Jugeant qu'il n'y a pas péril en la demeure,
Allons vers l'autre monde en flânant en chemin
Car, à forcer l'allure, il arrive qu'on meure
Pour des idées n'ayant plus cours le lendemain .
Or, s'il est une chose amère, désolante,
En rendant l'âme à Dieu c'est bien de constater
Qu'on a fait fausse rout', qu'on s'est trompé d'idée,
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
Les saint jean bouche d'or qui prêchent le martyre,
Le plus souvent, d'ailleurs, s'attardent ici-bas .
Mourir pour des idées, c'est le cas de le dire,
C'est leur raison de vivre, ils ne s'en privent pas .
Dans presque tous les camps on en voit qui supplantent
Bientôt Mathusalem dans la longévité .
J'en conclus qu'ils doivent se dire, en aparté :
"Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente ."
Des idé's réclamant le fameux sacrifice,
Les sectes de tout poil en offrent des séquelles,
Et la question se pose aux victimes novices :
Mourir pour des idé's, c'est bien beau mais lesquelles ?
Et comme toutes sont entre elles ressemblantes,
Quand il les voit venir, avec leur gros drapeau,
Le sage, en hésitant, tourne autour du tombeau .
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
Encor s'il suffisait de quelques hécatombes
Pour qu'enfin tout changeât, qu'enfin tout s'arrangeât !
Depuis tant de "grands soirs" que tant de têtes tombent,
Au paradis sur terre on y serait déjà .
Mais l'âge d'or sans cesse est remis aux calendes,
Les dieux ont toujours soif, n'en ont jamais assez,
Et c'est la mort, la mort toujours recommencé' ...
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
O vous, les boutefeux, ô vous les bons apôtres,
Mourez donc les premiers, nous vous cédons le pas .
Mais de grâce, morbleu ! laissez vivre les autres !
La vie est &agrace; peu près leur seul luxe ici bas ;
Car, enfin, la Camarde est assez vigilante,
Elle n'a pas besoin qu'on lui tienne la faux .
Plus de danse macabre autour des échafeauds !
Mourrons pour des idé's d'accord, mais de mort lente,
D'accord, mais de mort lente .
La Princesse et le Croque-notes
Jadis, au lieu du jardin que voici,
C'etait la zone et tout ce qui s'ensuit,
Des masures des taudis insolites,
Des ruines pas romaines pour un sou.
Quant aù la faune habitant la dessous
C'etait la fine fleur c'etait l'élite.
La fine fleur, l'élite du pavé.
Des besogneux des gueux des réprouvés,
Des mendiants rivalisant de tares,
Des chevaux de retour des propres aù rien,
Ainsi qu'un croque-note, un musicien,
Une épave accrochée aù sa guitare.
Adoptée par ce beau monde attendri,
Une petite fée avait fleuri
Au milieu de toute cette bassesse.
Comme on l'avait trouvée pres du ruisseau,
Abandonnée en un somptueux berceau,
A tout hasard on l'appelait "princesse".
Or, un soir, Dieu du ciel, protégez nous!
La voila qui monte sur les genoux
Du croque-note et doucement soupire,
En rougissant quand meme un petit peu:
"C'est toi que j'aime et si tu veux tu peux
M'embrasser sur la bouche et meme pire ..."
"-Tout beau, princesse arrete un peu ton tir,
J'ai pas tellement l'étoffe du sayr',
Tu a treize ans,j'en ai trente qui sonnent,
Gross différence et je ne suis pas chaud
Pour tater d'la paille humide du cachot ...
-Mais croque-not',j'dirais rien aù personne ..."
-N'insiste pas fit-il d'un ton railleur,
D'abord tu n'es pas mon genre et d'ailleurs
Mon coeur est dejaù pris par une grande ..."
Alors princesse est partie en courant,
Alors princesse est partie en pleurant,
Chagrine qu'on ait boudé son offrande.
Y a pas eu détournement de mineure,
Le croque-note au matin, de bonne heure,
A l'anglaise a filé dans la charette
Des chiffonniers en grattant sa guitare.
Passant par laù quelques vingt ans plus tard,
Il a le sentiment qu'il le regrette.
Le Roi
Non certe',elle n'est pas bâtie,
Non certe',elle n'est pas bâtie
Sur du sable,sa dynastie,
Sur du sable,sa dynastie.
Il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Il peut dormir,ce souverain,
Il peut dormir,ce souverain,
Sur ses deux oreilles,serein,
Sur ses deux oreilles,serein.
Il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Je,tu,il,elle,nous,vous,ils,
Je,tu,il,elle,nous,vous,ils,
Tout le monde le suit,docil',
Tout le monde le suit,docil'.
Il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Il est possible,au demeurant,
Il est possible,au demeurant,
Qu'on déloge le shah d'Iran,
Qu'on déloge le shah d'Iran,
Mais il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Qu'un jour on dise:"C'est fini",
Qu'un jour on dise:"C'est fini"
Au petit roi de Jordani',
Au petit roi de Jordani',
Mais il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Qu'en Abyssinie on récus',
Qu'en Abyssinie on récus',
Le roi des rois,le bon Négus,
Le roi des rois,le bon Négus,
Mais il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Que,sur un air de fandango,
Que,sur un air de fandango,
On congédi' le vieux Franco,
On congédi' le vieux Franco,
Mais il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Que la couronne d'Angleterre,
Que la couronne d'Angleterre,
Ce soir,demain,roule par terre,
Ce soir,demain,roule par terre,
Mais il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Que, ça c'est vu dans le passé,
Que,ça c'est vu dans le passé,
Marianne soit renversé'
Marianne soit renversé'
Mais il y a peu de chances qu'on
Détrône le roi des cons.
Le Roi boiteux
Poeme de Gustave Nadaud
Un roi d'Espagne, ou bien de France,
Avait un cor, un cor au pied;
C'etait au pied gauche, je pense;
Il boitait aù faire pitie.
Les courtisans, espace adroite,
S'appliquerent aù limiter,
Et qui de gauche, qui de droite,
Il apprirent tous aù boiter.
On vit bientot le bénéfice
Que cette mode rapportait;
Et de l'antichambre aù l'office,
Tout le monde boitait,boitait.
Un jour, un seigneur de province,
Oubliant son nouveau métier,
Vint aù passer devant le prince,
Ferme et droit comme un peuplier.
Tout le monde se mit aù rire,
Excepté le roi qui, tout bas,
Murmura:"Monsieur,qu'est-ce aù dire ?
Je crois que vous ne boitez pas."
"Sire, quelle erreur est la votre!
Je suis crible de cors; voyez:
Si je marche plus droit qu'un autre,
C'est que je boite des deux pieds."
Quatre-vingt-quinze pour cent
La femme qui possède tout en elle
Pour donner le goût des fêtes charnelles,
La femme qui suscite en nous tant de passion brutale,
La femme est avant tout sentimentale .
Mais dans la main les longues promenades,
Les fleurs, les billets doux, les sèrènades,
Les crimes, les foli's que pour ses beaux yeux l'on commet,
La transporte, mais...
Refrain
Quatre-vingt-quinze fois sur cent,
La femme s'emmerde en baisant .
Qu'elle le taise ou le confesse
C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses .
Les pauvres bougres convaincus
Du contraire sont des cocus .
A l'heure de l'oeuvre de chair
Elle est souvent triste, peuchèr !
S'il n'entend le coeur qui bat,
Le corps non plus ne bronche pas .
Sauf quand elle aime un homme avec tendresse,
Toujours sensible alors à ses caresses,
Toujour bien disposé', toujours encline à s'émouvoir,
Ell' s'emmerd' sans s'en apercevoir .
Ou quand elle a des besoins tyranniques,
Qu'elle souffre de nymphmani' chronique,
C'est ell' qui fait alors passer à ses adorateurs
De fichus quart d'heure .
Les "encore", les "c'est bon", les "continue"
Qu'ell' cri' pour simuler qu'ell' monte aux nues,
C'est pure charité, les soupir des anges ne sont
En général que de pieux menson(ges) .
C'est à seule fin que sont partenaire
Se croie un amant extraordinaire,
Que le coq imbécile et prétentieux perché dessus
Ne soit pas déçu .
J'entends aller de bon train les commentaires
De ceux qui font des châteaux à Cyth&egrace;re :
"C'est parce que tu n'es qu'un malhabile, un maladroit,
Qu'elle conserve toujours son sang-froid ."
Peut-être, mais les assauts vous pèsent
De ces petits m'as-tu-vu-quand-je-baise,
Mesdam's, en vous laissant manger le plaisir sur le dos,
Chantez in petto...
A l'ombre des maris
Les dragons de vertu n'en prennent pas ombrage,
Si j'avais eu l'honneur de commander aù bord,
A bord du Titanic quand il a fait naufrage,
J'aurais crié:"Les femm's adultères d'abord!"
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière ...
Car, pour combler les voeux, calmer la fievre ardente
Du pauvre solitaire et qui n'est pas de bois,
Nulle n'est comparable à l'epouse inconstante.
Femmes de chefs de gar', c'est vous la fleur des bois.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Quant à vous, messeigneurs, aimez à votre guise,
En ce qui me concerne, ayant un jour compris
Qu'une femme adultère est plus qu'une autre exquise,
Je cherche mon bonheur à l'ombre des maris.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
A l'ombre des maris mais, cela va sans dire,
Pas n'importe lesquels, je les tri', les choisis.
Si madame Dupont, d'aventure, m'attire,
Il faut que, par surcroit, Dupont me plaise aussi!
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Il convient que le bougre ait une bonne poire
Sinon, me ravisant, je détale à grands pas,
Car je suis difficile et me refuse à boire
Dans le verr; d'un monsieur qui ne me revient pas.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Ils sont loins mes débuts ou, manquant de pratique,
Sur des femmes de flics je mis mon dévolu.
Je n'étais pas encore ouvert à l'esthétique.
Cette faute de gout je ne la commets plus.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Oui, je suis tatillon, pointilleux, mais j'estime
Que le mari doit être un gentleman complet,
Car on finit tous deux par devenir intimes
A force, à force de se passer le relais
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Mais si l'on tombe, hélas! sur des maris infames,
Certains sont si courtois, si bons si chaleureux,
Que, meme apres avoir cessé d'aimer leur femme,
On fait encore semblant uniquement pour eux.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
C'est mon cas ces temps-ci, je suis triste, malade,
Quand je dois faire honneur à certaine pecore.
Mais, son mari et moi, c'est Oreste et Pylade,
Et, pour garder l'ami, je la cajole encore.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Non contente de me dé plaire, elle me trompe,
Et les jours ou, furieux, voulant tout mettre à bas
Je cri:"La coupe est pleine, il est temps que je rompe!"
Le mari me suppli':"Non ne me quittez pas!"
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Et je reste, et, tous deux, ensemble on se flagorne.
Moi, je lui dis:"C'est vous mon cocu préféré."
Il me réplique alors:"Entre toutes mes cornes,
Celles que je vous dois, mon cher, me sont sacrées."
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
Je suis derrière...
Et je reste et, parfois, lorsque cette pimbeche
S'attarde en compagni' de son nouvel amant,
Que la nurse est sorti', le mari à la peche,
C'est moi, pauvre de moi! qui garde les enfants.
Ne jetez pas la pierre à la femme adultère.
La cane de Jeanne
La cane
De Jeanne
Est morte au gui l'an neuf,
Elle avait fait, la veille,
Merveille !
Un oeuf !
La cane
De Jeanne
Est morte d'avoir fait,
Du moins on le prèsume,
Un rhume,
Mauvais !
La cane
De Jeanne
Est morte sur son oeuf
Et dans son beau costume
De plumes,
Tout neuf !
La cane
De Jeanne,
Ne laissant pas de veuf,
C'est nous autres qui eumes
Les plumes,
Et l'oeuf !
Tous, toutes,
Sans doute,
Garderons longtemps le
Souvenir de la cane
de Jeanne
Morbleu !
Le mécréant
Est-il en notre temps rien de plus odieux,
De plus dèsespèrant, que de n pas croire en Dieu ?
J voudrais avoir la foi, la foi d mon charbonnier,
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.
Mon voisin du dessus, un certain Blais Pascal,
Ma gentiment donnè ce conseil amical :
Mettez-vous þ genoux, priez et implorez,
Faites semblant de croire, et bientòt vous croirez.
J me mis þ dèbiter, les rotules þ terr,
Tous les Ave Maria, tous les Pater Noster,
Dans les rus, les cafès, les trains, les autobus,
Tous les de profindis, tous les morpionibus...
Sur ces entrefaits lþ, trouvant dans les ortis
Un soutane þ ma taill, je men suis travesti
Et, tonsurè de frais, ma guitarre þ la main,
Vers la foi salvatric je me mis en chemin.
J tombai sur un boisseau d punaiss de sacristi,
Me prenant pour un autre, en choeur, elles mont dit :
Mon põr, chantez-nous donc quelque refrain sacrè,
Quelque sainte chanson dont vous avez l secret !
Grattant avec ferveur les cordes sous mes doigts,
Jentonnai le Gorille avec Putain de toi.
Criant þ limposteur, au traítre, au papelard,
Ells veulnt me fair subir le supplic dAbèlard,
Je vais grossir les rangs des muets du sèrail,
Les bells ne viendront plus se pendre þ mon poitrail,
Gráce þ ma voix coupè jaurai la plac de choix
Au milieu des Petits chanteurs þ la croix dbois.
Attirè par le bruit, un dam de Charitè,
Leur dit : Que faites-vous ? Malheureuss arrétez !
Ya tant dhommes aujourdhui qui ont un penchant pervers
A prendre obstinèment Cupidon þ lenvers,
Tant dhommes dèpourvus de leurs virils appas,
A ceux qui en ont encor ne les enlevons pas !
Ces arguments massu firent un grosse impression,
On me laissa partir avec des ovations.
Mais, su l chemin du ciel, je n ferai plus un pas,
La foi viendra dellméme ou ell ne viendra pas.
Je nai jamais tuè, jamais violè non plus,
Ya dèjþ quelque temps que je vole plus,
Si lˆternel existe, en fin de compte, il voit
Qu je m conduis guõr plus mal que si javais la foi.
Les Copains d'abord
Non ce n'ètait pas le radeau
De la mèduse ce bateau
Qu'on se le dise au fond des ports
Dise au fond des ports
Il navigait en põre peinard
Sur la grand'mare des canards
Et s'app'lait "Les copains d'abord"
Les copains d'abord
Non, ce n'ètait pas le radeau
De la Mèduse, ce bateau,
Qu'on se le dis' au fond des ports,
Dis' au fond des ports,
Il naviguait en põr' peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord.
Ses fluctuat nec mergitur
C'ètait pas d'la litteratur',
N'en dèplaise aux jeteurs de sort,
Aux jeteurs de sort,
Son capitaine et ses mat'lots
N'ètaient pas des enfants d'salauds,
Mais des amis franco de port,
Des copains d'abord.
C'ètaient pas des amis de lux',
Des petits Castor et Pollux,
Des gens de Sodome et Gomorrh',
Sodome et Gomorrh',
C'ètaient pas des amis choisis
Par Montaigne et La Boeti',
Sur le ventre ils se tapaient fort,
Les copains d'abord.
C'ètaient pas des anges non plus,
L'Evangile, ils l'avaient pas lu,
Mais ils s'aimaient tout's voil's dehors,
Tout's voil's dehors,
Jean, Pierre, Paul et compagnie,
C'ètait leur seule litanie
Leur Credo, leur Confitéor,
Aux copains d'abord.
Au moindre coup de Trafalgar,
C'est l'amitiè qui prenait l'quart,
C'est elle qui leur montrait le nord,
Leur montrait le nord.
Et quand ils ètaient en dètresse,
Qu'leur bras lancaient des S.O.S.,
On aurait dit les sèmaphores,
Les copains d'abord.
Au rendez-vous des bons copains,
Y'avait pas souvent de lapins,
Quand l'un d'entre eux manquait a bord,
C'est qu'il ètait mort.
Oui, mais jamais, au grand jamais,
Son trou dans l'eau n'se refermait,
Cent ans aprõs, coquin de sort !
Il manquait encor.
Des bateaux j'en ai pris beaucoup,
Mais le seul qui'ait tenu le coup,
Qui n'ai jamais virè de bord,
Mais virè de bord,
Naviguait en põre peinard
Sur la grand-mare des canards,
Et s'app'lait les Copains d'abord
Les Copains d'abord.
Le Gorille
C'est þ travers de larges grilles,
Que les femelles du canton,
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu'en-dira-t-on;
Avec impudeur, ces commõres
Lorgnaient méme un endroit prècis
Que, rigoureusement ma mõre
M'a dèfendu d'nommer ici...
Gare au gorille !...
Tout þ coup, la prise bien close,
Oû vivait le bel animal,
S'ouvre on n'sait pourquoi (je suppose
Qu'on avait du la fermer mal);
Le singe, en sortant de sa cage
Dit "c'est aujourd'hui que j'le perds !"
Il parlait de son pucelage,
Vous avez devinè, j'espõre !
Gare au gorille !...
L'patron de la mènagerie
Criait, èperdu : "Nom de nom !
C'est assomant car le gorille
N'a jamais connu de guenon !"
Dõs que la fèminine engeance
Sut que le singe ètait puceau,
Au lieu de profiter de la chance
Elle fit feu des deux fuseaux !
Gare au gorille !...
Celles lþ méme qui, naguõre,
Le couvaient d'un oeil dècidè,
Fuirent, prouvant qu'ell's n'avaient guõre
De la suite dans les idèes;
D'autant plus vaine ètait leur crainte,
Que le gorille est un luron
Supèrieur þ l'homme dans l'ètreinte,
Bien des femmes vous le diront !
Gare au gorille !...
Tout le monde se prècipite
Hors d'atteinte du singe en rut,
Sauf une vielle dècrèpite
Et un jeune juge en bois brut;
Voyant que toutes se dèrobent,
Le quadrumane accèlèra
Son dandinement vers les robes
De la vielle et du magistrat !
Gare au gorille !...
"Bah ! soupirait la centaire,
Qu'on puisse encore me dèsirer,
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, inespèrè !"
Le juge pensait, impassible,
"Qu'on me prenne pour une guenon,
C'est complõtement impossible..."
La suite lui prouva que non !
Gare au gorille !...
Supposez que l'un de vous puisse étre,
Comme le singe, obligè de
Violer un juge ou une ancõtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,
Un de ces quatres jours, m'èchoie,
C'est, j'en suis convaicu, la vielle
Qui sera l'objet de mon choix !
Gare au gorille !...
Mais, par malheur, si le gorille
Aux jeux de l'amour vaut son prix,
On sait qu'en revanche il ne brille
Ni par le goøt, ni par l'esprit.
Lors, au lieu d'opter pour la vielle,
Comme aurait fait n'importe qui,
Il saisit le juge þ l'oreille
Et l'entraína dans un maquis !
Gare au gorille !...
La suite serait dèlectable,
Malheureusement, je ne peux
Pas la dire, et c'est regrettable,
Ca nous aurait fait rire un peu;
Car le juge, au moment supréme,
Criait : "Maman !", pleurait beaucoup,
Comme l'homme auquel, le jour méme,
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !...
Cupidon s'en fout
Pour changer en amour notre amourette,
Il s'en serait pas fallu de beaucoup,
Mais, ce jour lþ, Vènus ètait distraite,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
Des jours oû il joue les mouches du coche.
Oû, elles sont èmoussèes dans le bout,
Les flõches courtoises qu'il nous dècoche,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
Se consacrant þ d'autres imbèciles,
Il n'eu pas l'heur de s'occuper de nous,
Avec son arc et tous ses ustensiles,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
On tentè sans lui d'ouvrir la féte,
Sur l'herbe tendre, on s'est roulès, mais vous
Avez perdu la vertu, pas la téte,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
Si vous m'avez donnè toute licence,
Le coeur, hèlas, n'ètait pas dans le coup;
Le feu sacrè brillait par son abscence,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
On effeuilla vingt fois la marguerite,
Elle tomba vingt fois sur «pas du tout».
Et notre pauvre idylle a fait faillite,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
Quand vous irez au bois conter fleurette,
Jeunes galants, le ciel soit avec vous.
Je n'eus pas cette chance et le regrette,
Il est des jours oû Cupidon s'en fout.
La mauvaise rèputation
Au village, sans prètention,
J'ai maivaise rèputation.
Qu' je m' dèmõne ou qu' je reste coi
Je pass' pour un je-ne-sais-quoi!
Je ne fait pourtant de tort þ personne
En suivant mon de petit bonhomme.
Mais les braves gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout le monde mèdit de moi,
Sauf les muets, ãa va de soi.
Le jour du Quatorze Juillet
Je reste dans mon lit douillet.
La musique qui marche au pas,
Cela ne me regarde pas.
Je ne fais pourtant de mal þ personne,
En n'ècoutant pas le clairon qui sonne.
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout le monde me montre du doigt
Sauf les manchots, ãa va de soi.
Quand j' crois' un voleur malchanceux,
Poursuivi par un cul-terreux;
j' lance la patte et pourquoi le tair',
Le cul-terreux s' retrouv' par terr'
Je ne fait pourtant de tort þ personne, En laissant courir les
voleurs de pommes. Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout le monde se rue sur moi,
Sauf les culs-d'jatt', ãa va de soi.
Pas besoin d'etre Jèrèmie,
Pour d'viner l'sort qui m'est promis,
s'ils trouv'nt une corde þ leur gout,
Ils me la passeront au cou,
Je ne fait pourtant de tort þ personne,
En suivant les ch'mins qui n' mõnent pas þ Rome,
Mais les brav's gens n'aiment pas que
L'on suive une autre route qu'eux,
Tout l' mond' viendra me voir pendu,
Sauf les aveugl's, bien entendu.
Les amoureux des bancs publics
Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu'on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c'est une absurditè
Car þ la vèritè
Ils sont lþ c'est notoir'
Pour accueillir quelque temps les amours dèbutants
Les amoureux qui s' bècott'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s' fouttant pas mal du regard oblique
Des passants honnetes
Les amoureux qui s' bècott'nt sur les bancs publics,
Bancs publics, bancs publics,
En s' disant des " Je t'aim' " pathètiqu's
Ont des p'tit's gueul' bien sympatiqu's.
Ils se tiennent par la main
Parlent du lendemain
Du papier bleu d'azur
Que revetiront les murs de leur chambre þ coucher.
Ils se voient dèjþ doucement
Ell' cousant, lui fumant,
Dans un bien-etre sur
Et choisissant les prènoms de leur premier bébé
Quand les mois auront passè
Quand seront apaisès
Leurs beaux reves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s'apercevront èmus
Qu' c'est au hasard des rues
Sur un d' ces fameux bancs
Qu'ils ont vècu le meilleur morceau de leur amour.
Quand la saint' famill' machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris
Ell' leur déoche en passant des propos venimeux
N'empech' que tout' la famille
Le pèr' la mèr' la fille
Le fils le saint esprit
Voudrait bien de temps en temps pouvoir s' conduir' comme eux.
Les Sabots d'Hèlõne
Les sabots d'Hèlõne Etaient tout crottès
Les trois capitaines l'auraient appelèe vilaine
Et la pauvre Hèlõne
Etait comme une ame en peine
Ne cherche plus longtemps la fontaine
Toi qui as besoin d'eau
Ne cherche plus, aux larmes d'hèlõne
Va-t'en remplir ton seau
Moi j'ai pris la peine
De les dèchausser
Les sabots d'Hèlõn' moi qui ne sius pas capitaine
Et j'ai vu ma peine
Bien rècompensèe.
Dans les sabots de la pauvre Hèlõne
Dans ses sabots crottès
Moi j'ai trouve les pieds d'une reine
Et je les ai gardès.
Son jupon de laine
Etait tout mitè
Les trois capitaines l'auraient appelèe vilaine
Et la pauvre Hèlõne
Etait comme une ame en peine
Ne cherche plus longtemps la fontaine
Toi qui as besoin d'eau
Ne cherche plus, aux larmes d'hèlõne
Va-t'en remplir ton seau
Moi j'ai pris la peine
De le retrousser
Le jupon d'Hèlõn' moi qui ne suis pas capitaine
Et j'ai vu ma peine
Bien rècompensèe.
Sous les jupons de la pauvre Hèlõne
Sous son jupon mitè
Moi j'ai trouve des jambes de reine
Et je les ai gardès.
Et le coeur d'Hèlõne
Savait pas chanter
Les trois capitaines l'auraient appelèe vilaine
Et la pauvre Hèlõne
Etait comme une ame en peine
Ne cherche plus longtemps la fontaine
Toi qui as besoin d'eau
Ne cherche plus, aux larmes d'hèlõne
Va-t'en remplir ton seau
Moi j'ai pris la peine
De m'y arreter
Dans le coeur d'Hèlõn' moi qui ne suis pas capitaine
Et j'ai vu ma peine
Bien rècompensèe.
Dans le coeur de la pauvre Hèlõne
Qu'avait jamais chantè
Moi j'ai trouve l'amour d'une reine
Et je l'ai gardè.
Brave Margot
Margonton la jeune bergère
Trouvant dans l'herbe un petit chat
Qui venait de perdre sa mõre
L'adopta
Elle entrouvre sa collerette
Et le couche contre son sein
c'ètait tout c' quelle avait pauvrette
Comm' coussin
Le chat la prenant pour sa mõre
Se mit þ tèter tout de go
Emue, Margot le laissa faire
Brav' margot
Un croquant passan þ la ronde
Trouvant le tableau peu commun
S'en alla le dire þ tout l' monde
Et le lendemain
Refrain
Quand Margot dègrafait son corsage
Pour donner la gougoutte þ son chat
Tous les gars , tous les gars du village
Etaient lþ, la la la la la la
Etaient lþ, la la la la la
Et Margot qu'ètait simple et trõs sage
Prèsumait qu' c'ètait pour voir son chat
qu'les gars , tous les gars du village
Etaient lþ, la la la la la la
Etaient lþ, la la la la la.
L' maitre d'ècole et ses potaches
Le mair', le bedeau, le bougnat
Nègligeaient carrèment leur tache
Pour voir ãa
Le facteur d'ordinair' si preste
Pour voir ãa, n' distribuait plus
Les lettre que personne au reste
N'aurait lues.
Pour voir ãa, Dieu le pardonne,
Les enfants de coeur au milieu
Du Saint Sacrifice abondonnent
Le Saint lieu.
Les gendarmes, mem' mes gendarmes
Qui sont par natur' si ballots
Se laissaient toucher par les charmes
Du joli tableau.
(au refrain)
Une jolie fleur
(dans une peau d'vache)
Jamais sur terre il n'y eut d'amoureux
Plus aveugle que moi dans tous les ages
Mais faut dir' qu' je m'ètait creuvè les yeux
En regardant de trop prõs son corsage.
Refrain
Un' jolie fleur dans une peau d' vache
Un' jolie vach' dèguisèe en fleur
Qui fait la belle et qui vous attache
Puis, qui vous mõn' par le bout du coeur.
Le ciel l'avait pourvue des mille appas
Qui vous font prendre feu dõs qu'on y touche
L'en avait tant que je ne savais pas
Ne savais plus oû donner de la bouche.
Ell' n'avait pas de tete, ell' n'avait pas
L'esprit beaucoup plus grand qu'un dè þ coudre
Mais pour l'amour on ne demande pas
Aux fille d'avoir inventè la poudre.
Puis un jour elle a pris la clef des champs
En me laissant þ l'ame un mal funeste
Et toutes les herbes de la Saint-Jean
N'ont pas pu me guèrir de cette peste.
J' lui en ai bien voulu mais þ prèsent
J'ai plus d' rancune et mon coeur lui pardonne
D'avoir mis mon coeur þ feu et þ sang
Pour qu'il ne puisse plus servir þ personne.
Le parapluie
Il pleuvait fort sur la grand-route,
Ell' cheminait sans parapluie,
J'en avait un, volè sans doute
Le matin meme þ un ami.
Courant alors þ sa rescousse,
Je lui propose un peu d'abri
En sèchant l'eau de sa frimousse,
D'un air trõs doux ell' m'a dit oui.
Refrain
Un p'tit coin d' parapluie,
Contre un coin d' Paradis.
Elle avait quelque chos' d'un ange,
Un p'tit coin d' Paradis,
Contre un coin d' parapluie.
Je n' perdait pas au change,
Pardi!
Chemin faisant que se fut tendre
D'ouir þ deux le chant joli
Que l'eau du ciel faisait entendre
Sur le toit de mon parapluie.
J'aurais voulu comme au dèluge,
voir sans arret tomber la pluie,
Pour la garder sous mon refuge,
Quarante jours, Quarante nuits.
(au refrain)
Mais betement, meme en orage,
Les routes vont vers des pays.
Bientot le sien fit un barrage
A l'horizon de ma foli.
Il a fallut qu'elle me quitte,
Aprõs m'avoir dit grand merci.
Et je l'ai vue toute petite
Partir gaiement vers mon oubli.
(au refrain)
Tonton Nestor
Tonton Nestor,
Vous êtes tort,
Je vous le dis tout net.
Vous avez mis
La zizani'
Aux noces de Jeannett'.
Je vous l'avou',
Tonton, vous vous
Comportâtes comme un
Mufle achevé,
Rustre fiéffé,
Un homme du commun.
Quand la fiancé',
Les yeux baissés,
Des larmes pleins les cils,
S'apprêtait à
Dire " Oui da ! "
A l'officier civil,
Qu'est-c' qui vous prit,
Vieux malappris,
D'aller, sans retenue,
Faire un pinçon
Cruel en son
Eminence charnue ?
Se retournant
Incontinent,
Ell' souffleta, flic-flac !
L' garçon d'honneur
Qui, par bonheur,
Avait un' tête à claqu',
Mais au lieu du
" Oui " attendu,
Ell' s'écria : " Maman "
Et l' mair' lui dit :
" Non, mon petit,
Ce n'est pas le moment. "
Quand la fiancé',
Les yeux baissés,
D'une voix solennell'
S'apprêtait à
Dire " Oui da ! "
Par-devant l'Eternel,
Voila mechef
Que, derechef,
Vous osâtes porter
Votre fichue
Patte crochue
Sur sa rotondité.
Se retournant
Incontinent,
Elle moucha le nez
D'un enfant d'choeur
Qui, par bonheur,
Etait enchifrené,
Mais au lieu du
" Oui " attendu,
De sa pauvre voix lass',
Au tonsuré
Désemparé
Elle a dit " Merde ", hélas !
Quoiqu'elle usât,
Qu'elle abusât
Du droit d'être fessu',
En la pinçant,
Mauvais plaisant,
Vous nous avez déçus.
Aussi, ma foi,
La prochain' fois
Qu'on mariera Jeannett',
On s' pass'ra d'vous.
Tonton, je vous,
Je vous le dit tout net.
La ballade des cimetières
J'ai des tombeaux en abondance,
Des sépultur' à discrétion,
Dans tout cim'tièr' d' quelque importance
J'ai ma petite concession.
De l'humble tertre au mausolée,
Avec toujours quelqu'un dedans,
J'ai des p'tit's boss's plein les allées,
Et je suis triste, cependant...
Car je n'en ai pas, et ça m'agace,
Et ça défrise mon blason,
Au cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de ma maison.
J'en possède au Père-Lachaise,
A Bagneux, à Thiais, à Pantin,
Et jusque, ne vous en déplaise,
Au fond du cimetièr' marin,
A la vill' comm' à la campagne,
Partout où l'on peut faire un trou,
J'ai mêm' des tombeaux en Espagne
Qu'on me jalouse peu ou prou...
Mais j' n'en ai pas la moindre trace,
Le plus humble petit soupçon,
Au cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de ma maison.
Le jour des morts, je cours, le vole,
Je vais infatigablement,
De nécropole en nécropole,
De pierr' tombale en monument.
On m'entrevoit sous un' couronne
D'immortelles à Champerret,
Un peu plus tard, c'est à Charonne
Qu'on m'aperçoit sous un cyprès...
Mais, seul, un fourbe aura l'audace,
De dir' : " J' l'ai vu à l'horizon,
Du cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de sa maison ".
Devant l' château d' ma grand-tante
La marquise de Carabas,
Ma saint' famille languit d'attente :
Mourra-t-ell', mourra-t-elle pas ?
L'un veut son or, l'autre veut ses meubles,
Qui ses bijoux, qui ses bib'lots,
Qui ses forêts, qui ses immeubles,
Qui ses tapis, qui ses tableaux...
Moi je n'implore qu'une grâce,
C'est qu'ell' pass' la morte-saison
Au cimetièr' du Montparnasse,
A quatre pas de ma maison.
Ainsi chantait, la mort dans l'âme,
Un jeun' homm' de bonne tenue,
En train de ranimer la flamme
Du soldat qui lui était connu,
Or, il advint qu'le ciel eut marr' de
L'entendre parler d' ses caveaux.
Et Dieu fit signe à la camarde
De l'expédier ru' Froidevaux...
Mais les croqu'-morts, qui étaient de Chartre',
Funeste erreur de livraison,
Menèr'nt sa dépouille à Montmartre,
De l'autr' côté de sa maison.
L'Enterrement de Verlaine
Poème de Paul fort
Le revois-tu mon âme, ce Boul' Mich' d'autrefois
Et dont le plus beau jour fut un jour de beau froid :
Dieu : s'ouvrit-il jamais une voie aussi pure
Au convoi d'un grand mort suivi de miniatures ?
Tous les grognards - petits - de Verlaine étaient là,
Toussotant, Frissonnant, Glissant sur le verglas,
Mais qui suivaient ce mort et la désespérance,
Morte enfin, du Premier Rossignol de la France.
Ou plutôt du second (François de Montcorbier,
Voici belle lurette en fut le vrai premier)
N'importe ! Lélian, je vous suivrai toujours !
Premier ? Second ? vous seul. En ce plus froid des jours.
N'importe ! Je suivrai toujours, l'âme enivrée
Ah ! Folle d'une espérance désespérée
Montesquiou-Fezensac et Bibi-la-Purée
Vos deux gardes du corps, - entre tous moi dernier.
Germaine Tourangelle
Poème de Paul Fort
Cette gerbe est pour vous Manon des jours heureux,
Pour vous cette autre, eh ! oui, Jeanne des soirs troublants.
Plus souple vers l'azur et déchiré des Sylphes,
Voilà tout un bouquet de roses pour Thérèse.
Où donc est-il son fin petit nez qui renifle ?
Au paradis ? eh ! non, cendre au Père-Lachaise.
Plus haut, cet arbre d'eau qui rechute pleureur,
En saule d'Orphélie, est pour vous, Amélie.
Et pour vous ma douceur, ma douleur, ma folie !
Germaine Tourangelle, ô vous la plus jolie.
Le fluide arc-en-ciel s'égrenant sur mon coeur.
A Mireille
dit " Petit Verglas "
Poème de Paul Fort
Ne tremblez pas, mais je dois le dire elle fut assassinée au couteau par
un fichu mauvais garçon, dans sa chambre, là-bas derrière le Panthéon,
rue Descartes, où mourut Paul Verlaine.
O ! oui, je l'ai bien aimée ma petite " Petit Verglas " à moi si bonne
et si douce et si triste. Pourquoi sa tristesse ? Je ne l'avais pas
deviné, je ne pouvais pas le deviner.
Non, je l'ai su après tu me l'avais caché que ton père était mort
sur
l'échafaud, Petit Verglas ! J'aurais bien dû le comprendre à tes
sourires.
J'aurais dû le deviner à tes petits yeux, battus de sang, à ton bleu
regard indéfinissable, papillotant et plein de retenue.
Et moi qui avais toujours l'air de te dire " Mademoiselle, voulez-vous
partager ma statue ? " Ah ! J'aurais dû comprendre à tes sourires, tes
yeux bleus battus et plein de retenue.
Et je t'appelais comme ça, le Petit Verglas, que c'est bête un poète !
O
petite chair transie ! Moi, je l'ai su après que ton père était mort
ainsi...
Pardonne-moi, Petit Verglas. Volez, les anges !
Le Temps Passé
Dans les comptes d'apothicaire,
Vingt ans, c'est un' somm' de bonheur.
Mes vingt ans sont morts à la guer