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     © Copyright Victor Pelevin
     © Copyright Nicit Zykov, francais translation
     Origin: http://www.zykov.com/fr/yanlawan.htm
     Date: 07 May 2003
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     Traduit par Nikit Zykov

     Apris  un  djcis banal  (ces fils de  pute l'ont  fait exploser avec sa
propre Porshe) Vlad  Kashirsky reprit finalement  conscience. Il se trouvait
dans un espace bizzare gris fade, sous ses pieds  c'jtait une plaque unie de
pierre de  couleur sombre s'jtendant  partout a perte  de vue. A  travers le
brouillard se  voyaient  des lumiires  pvles  multicolores,  semblables  aux
guirlandes qui djcorent les  avenues avant Noll. Vlad n'eut pas  le temps de
bien observer ces lumiires car au loin retentit sur la pierre un coup lourd,
puis un autre; il frissona d'horreur. "Yanlawan arrive", comprit-il.
     Yanlawan jtait  jnorme comme une  tour d'immeuble,  sa  djmarche  jtait
jtrange, a chaque pas il se retournait mais a aucun moment il ne tournait le
dos  a  Vlad  car  de dos, Yanlawan n'en avait  pas,  a sa place y avait une
deuxiime poitrine et un autre visage.
     Si le premier visage jtait furieux et impitoyable (za  rappela  tout de
suite a Vlad  un mauvais  riglement de  comptes a  Dolgoproudny oshch il aurait
vraiment pas fallu aller), l'autre au contraire rayonnait d'indulgence et de
grvce a  tel point qu'en  le voyant Vlad  ne se  rappelait plus de  rien  et
n'avait qu'une envie de courir vers Yanlawan pour se plaindre a lui, tout en
sanglotant, des injustices  de  la vie et surtout  de la mort. Mais Yanlawan
avanzait vite et comme a un moment Vlad avait envie de s'enfuir et au moment
suivant,  au  contraire,  de  courir  vers  lui en toute  vitesse,  il resta
finalement sur place et  tris vite Yanlawan fut djja  penchj sur  lui, telle
une tour de Pise.
     "Et  maintenant,  ce sera le jugement", pensa Vlad, et cette pensje fut
d'une clartj  assourdissante. Mais finalement, la procjdure de jugement  fut
simple  et pas si effrayante que za,  Vlad n'eut mkme pas  le temps  d'avoir
peur ni mkme de fermer les yeux. Un objet bizzare, semblable a une tapette a
mouches jnorme, apparut  dans les mains de  Yanlawan, cet objet s'jleva dans
l'air et le visage furieux et impitoyable qui fut tournj a ce moment-la vers
Vlad, ouvrit la  bouche  et prononza  la  sentence d'une voix  de  tonnerre:
"Galduras".
     Au  fait, ce  ne fut pas exactement  ainsi.  En  rjalitj, le  visage de
colire dit "gal", mais  Yanlawan se tourna  juste  a ce moment, et alors  le
visage  gracieux  dit "duras".  Ce  qui  a  la fin, donna  ce  mot  jtrange:
"Galduras". Mais Vlad n'eut pas le  temps de  prendre conscience  de tout za
car la tapette  gjante tomba du ciel et frappa  sur lui  comme  la crosse de
hockey sur le palet.
     Vlad  atterit  sur  une rue djserte  a  cftj d'un  terrain de  football
abandonnj. Fyt-il vivant, apris un coup comme za il  eyt immjdiatement rendu
l'vme au premier demandeur, mais comme il fut bien mort, rien ne lui arriva,
za  lui fit juste tris tris mal. Il fut tout de suite entourj d'un groupe de
petits gens, enfants ou nains, qui le saisirent par les bras et commencirent
a  le  trainer  quelque  part.  En  route,  ils  ricanaient  joyeusement  et
rjpjtaient de  voix rauques: "mieux vaut  galjrer  en Honduras plutft que de
hondurer aux galires,  mieux  vaut  galjrer en Honduras que de hondurer  aux
galires".
     Le groupe  amena Vlad devant une porte avec un jcriteau  "Paradis SARL"
(Vlad considjra za comme  naturel, c'jtait  quand mkme  pas  pour rien qu'il
avait portj de son vivant une lourde chaone d'or avec l'acrobate1
accrochj dessus), apris  quoi il fut poussj vers l'intjrieur. La porte ferma
derriire son dos, ce qui ne l'jtonna  pas non plus car il savait bien que la
SARL jtait une socijtj  par actions de type fermj. Vlad se  trouva  dans une
petite piice au  milieu de laquelle se trouvait une pokle a frire en bronze,
et un  seul  regard dessus suffisait  pour  comprende que  cette piice jtait
d'une anciennetj hors du commun. Sur le  mur devant  Vlad jtait  accorchj un
thermomitre en bronze, aussi ancien que la  pokle, et  dont le  principe  de
fonctionnement  jtait   totalement  incomprjhensible:   a   l'intjrieur   de
l'appareil  il y  avait juste une espice de spirale verte, et sur le  cadran
parcouru  par une  grossiire  aiguille il n'y  avait qu'un  seul  niveau  de
marquj. Sur l'autre  mur se  trouvait une  notice libellje "A l'attention de
l'actionnaire" dont la lecture  djcouragea profondjment Vlad. Il se trouvait
que son nouveau travail consistait a refroidir la pokle en bronze de maniire
a ce que l'aiguille du thermomitre ne djpassvt en aucun cas le niveau marquj
sur  le  cadran. Mais ce qui  jtait  le  plus stressant, ce  refroidissement
devait se faire par application de ses propres fesses djnudjes. La raison de
ceci jtait soi-disant un mystire ancien djcrit par la notice de maniire tris
jvasive. Au cas oshch l'envie venait a Vlad de ne pas suivre  ces instructions,
la  notice promettait  simplement et sans faux-fuyant  de  telles choses que
Vlad comprit qu'il travaillerait sans mot dire. Il jeta alors un coup d'oeil
sur  la pokle et frissonna: elle brillait  djja  d'une lumiire  de  cramoisi
sombre,  et  l'aiguille  commenzait a  monter de plus en plus sur le cadran.
Vlad  se  mit a  lire  tris vite la  suite  de  la  notice.  Dans le  cas oshch
l'aiguille djpassait le niveau  marquj on garantissait de telles  choses que
Vlad, se mit rapidement et nerveusement a djboutonner son pantalon.
     Arpis un mois jcoulj, Vlad s'habitua a son nouveau lieu  de travail. Ce
n'jtait finalement pas si horrible que za. Il ne  fallait  pas  rester assis
sur la  pokle  tout  le  temps, za  refroidissait assez  vite,  mkme  que la
procjdure de refroidissement  elle-mkme jtait extrimement  douloureuse. Mais
en revanche, lorsque l'aiguille djscendait tout en bas du cadran, on pouvait
se reposer  assez longtemps, plusieurs heures, jusqu'a  ce  qu'elle  remonte
jusqu'a la  marque.  Ces quelques heures  jtaient nommjs par  la notice  "le
temps mort".
     Et a la fin du mois, ce fut une joie inespjrje. Le diable du service de
sjcuritj apporta  a Vlad son  premier salaire. Ce fut une  boote  en  carton
jnorme  avec  une  inscription  "Ranghirov"  et  qui  fut pleine  de dollars
emballjs  en plastique. Vlad n'avait vu autant d'argent en mkme temps qu'une
seule  fois  dans  sa  vie,  pendant  ce  riglement  de comptes  merdique  a
Dolgoprudny, et a l'jpoque il n'avait rien pu en obtenir.
     Tris rapidement, Vlad prit des nouvelles habitudes: apris avoir pressj,
avec des hurlements, son postjrieur a la pokle pour que l'aiguille  descende
bien tout en bas, il saisissait son carton avec des dollars, sortait dans la
rue  et,  en comptant chaque seconde, courait vers un des centres de  loisir
locaux. Dans  son rayon  d'action (la  oshch il  avait  le  temps de  faire  un
aller-retour  avant  que la fliche franchisse le seuil fatidique),  il y  en
avait deux  : le club des jeunes entrepreuneurs  "Gapdar trader" et  le cafj
"Le Morpion" oshch se rassemblait le cercle bohime local.
     Entre les  deux,  il n'y avait strictement aucune diffjrence.  Les deux
jtablissements jtaient remplis  des types sombres  dont les visages  jtaient
couverts de capuchons. Ils buvaient quelque  chose dans des tasses d'argile,
et lorsque Vlad essayait de parler avec eux, ils  ne rjpondaient pas,  et il
n'avait pas le temps pour insister car il fallait retourner en courant a son
lieu de travail.
     En  tournant autour de la pokle avant le saut djcisif, il rjfljchissait
souvent si au fait il jtait en train de galjrer en Honduras ou quand mkme de
hondurer  aux galires.  La vjritj  se trouvait visiblement  entre  les deux.
Cette conclusion n'jtait pas uniquement le fruit de  ses propres reflexions,
mais aussi celui de la lecture des bouquins que lui  avait apportj le diable
du service de sjcuritj.  L'un d'eux jtait jcrit par un certain Coks, l'autre
par  un  Saysie. Selon Coks, il galdurait  aux  honires,  selon  Saysie,  il
honirait au galduras. L'un des bouquins jtait sur la philosophie jconomique,
et elle traitait de la question essentielle de toute  l'jternitj "tamjrinou,
est-ce beaucoup?",  et l'autre, sur l'jconomie philosophique, contenait  une
affirmation  fondamentale:   "mouais  c'est  des  masses".   Mais  la  chose
essentielle que Vlad  comprit en lisant jtait que  dans  la vie il n'y avait
rien  de  meilleur  que le temps mort. Il le savait d'ailleurs lui-mkme,  on
peut dire qu'il le sentait de son  propre cul, mais  les livres expliquaient
que pour avoir  la possibilitj  de se permettre  ce temps  mort, il  fallait
toujours le reporter et travailler, travailler  et encore travailler car les
gens qui passent toute leur vie en un seul  temps mort ininterrompu n'auront
jamais assez d'argent pour se le permettre un jour.
     Bientft Vlad sut que les gars des services de sjcuritj des deux centres
de loisirs trafiquaient de  la  coke. Par contre, quand il a entendu combien
coytait  une dose il a failli avoir le cul  trouj: toute sa boote de dollars
suffisait juste pour  un rail. Mais le service  de sjcuritj avait des bonnes
excuses :  apporter  de  la  coke jusqu'ici jtait  bien plus difficile  qu'a
Moscou. A  propos,  les diables  du service  de  sjcuritj  venaient aussi de
Moscou,  donc  il  jtait facile de trouver un langage commun  avec  eux.  Ca
faisait longtemps  que Vlad cachait les sachets  de substances dans le petit
bassin d'eau froide qui lui servait en  temps  normal a refroidir un peu son
derriire,  et  le  diable-gardien qui  lui  apportait  son  salaire  faisait
semblant  de  ne  rien  remarquer. En retour,  Vlad  ne  remarquait pas  que
certains paquets de dollars  jtaient ouverts a l'arrivje.  Bref, c'jtait  un
bon jeu d'jquipe. Et puis enfin, on pouvait pas acheter grand'chose  d'autre
pour tout ce fric, donc Vlad ne faisait pas longtemps le difficile.
     Ayant achetj de la coke pour un rail, il le sniffait a travers un tuyau
fait avec un billet de cent  dollars, il sortait du "Morpion" a l'air libre,
et alors  arrivaient ces trois minutes qu'il attendait pendant tout le mois.
Le  poids  qui  pressait  son  vme  s'jvanouissait,  les  lumiires  dans  le
brouillard  se  remplissaient de cette beautj oublije  et il devenait  alors
presque  heureux.  C'est  pour za qu'une  fois, lorsqu'au  tout djbut  de la
deuxiime minute a  l'air  libre,  une  espice d'ange bizzaropde portant  des
lunettes  noires "Ray-Ban"  s'approcha de lui, Vlad tressaillit et prit peur
que le plan gagnj par un mois de souffrances ne fyt brutalement cassj.
     "Ecoute", dis l'ange en promenant ses regards autour de lui, "qu'est-ce
que t'as a te les casser ici? Partons, personne ne te retient ici."
     "Ah oui?", dit Vlad mjchamment, en  sentant que la  surface lisse de sa
sjrjnitj  commenzait  a  se  rider,  "et  j'irai  oshch alors?  Ici,  j'ai  mon
salaire..."
     "Ton salaire, c'est de la merde",  dit l'ange, "en tout cas, tu ne peux
rien acheter avec".
     Vlad toisa l'ange du regard:
     "Ecoute, andouille, djcolle et pars la d'oshch t'es venu."
     L'ange s'offensa visiblement. En battant  les ailes, il monta en vrille
dans le ciel  noir et apparut bientft comme un petit flocon de neige montant
verticalement.
     Vlad se  leva  sur ses  pattes arriire et regarda pensivement la chaone
des lumiires pvles au loin.
     "Le  salaire, c'est de  la merde,  non, mais...", rjpita-t-il d'un  air
grincheux,  "C'est  vrai qu'il  est une andouille.  C'est comme  si moi,  je
savais  pas, comme  si  je n'avais lu ni Coks, ni Saysie. Au fait,  on a  un
putain de salaire, c'est juste la cocapne qui est si chire."

1Acrobate:  rjfjrence a une blague  largement connue  en  Russie.
C'est l'histoire d'un  "nouveau russe" qui arrive dans une bijouterie et qui
demande une croix a porter sur une chaone. On lui en montre  une  vingtaine,
mais rien  ne  le satisfait.  Finalement, on lui  en  sort une en or,  d'une
trentaine  de  centimitres,  couverte  de   diamants.  Il  djclare  alors  :
"emballez-moi celle-ci, mais avant, virez-moi l'acrobate qui est dessus".


Last-modified: Wed, 07 May 2003 10:46:37 GMT
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